Depuis de nombreux mois, une crainte monte en moi.
L’Intelligence Artificielle (IA) prend beaucoup de place dans la création d’image et même dans le design. Très récemment, la sortie de Nano Banana1 a encore rendu plus flou la frontière entre la réalité et la génération d’image… Même Disney décide d’utiliser l’IA pour la création de ses œuvres.2
Comme toutes les avancées technologiques, les entreprises peuvent vouloir prendre des raccourcis : créer son logo avec l’IA, réduire les effectifs créatifs en les équipant d’outils IA, augmenter la productivité en généralisant l’utilisation de l’IA. Autant d’opportunités ou de postes qui disparaissent pour des individus.
L’IA va-t-elle finir par remplacer les créatifs et les créatives, ou réduire drastiquement notre travail créatif ?
L’IA, une intelligence qui repose sur l’humain
Depuis le début de l’essor de l’IA et derrière chaque modèle, il y a des quantités astronomiques de données humaines qui ont été absorbées pour entrainer les algorithmes. Des photos, des œuvres, des articles, toute une production humaine qui a permis à l’IA de « simuler » la créativité humaine.
Oui, l’IA est capable de créer un logo à partir d’un prompt. Mais, déjà, il faut bien quelqu’un qui la guide, avec un prompt précis et compréhensible. Elle est capable de poser des questions qui peuvent l’orienter, mais elle n’a pas de sensibilité humaine qui lui permette de lire entre les lignes d’un brief, aussi court soit-il. (Et on le sait, les briefs sont parfois bien trop courts 🥲)
Notre plus-value en tant que créatifs et créatives, c’est justement notre expérience humaine, notre veille constante, notre sensibilité propre, notre style que nous aurons développé pendant des années de doutes, d’échecs et d’apprentissage.
Je pense que l’IA peut nous aider à nous challenger, mais elle ne pourra pas remplacer des créatifs dans des projets d’envergure, sinon…
Un retour à la sensibilité humaine
Vous n’avez surement pas manqué l’un des ratés de ces fêtes de fin d’année : McDonald’s Pays-Bas a misé sur une vidéo de fin d’années entièrement réalisées par IA, pour jouer sur l’aspect désorganisé des fêtes. Et cela n’a pas plu ! Et la vidéo a fini par être retirée complètement de YouTube3. L’aspect brouillon, proche de la vallée de l’étrange, a fait que le message a encore été plus critiqué. Même avec l’évolution technologique, l’œil humain sait distinguer parfois ce qui n’est pas réel et ça créé une impression dérangeante.
De plus, la proportion de contenus générés par IA a dépassé les contenus produits par les humains4, et on commence à se sentir submergés par du « faux »… Et je pense que c’est là qu’en tant que créatifs et créatives nous pouvons tirer notre épingle.
La preuve par l’exemple, c’est le récent spot d’Intermarché qui a été salué pour sa créativité, sa sensibilité et sa justesse, mettant en avant un conte de Noël pour le bien-manger.5 Cette collaboration avec Illogic Studios, situé à Montpellier, prouve qu’il est encore possible de proposer des productions artisanales et sensiblement humaine. Et de faire rayonner notre savoir-faire.
L’IA reste un outil
L’IA doit rester pour nous un outil pour nous épargner des tâches répétitives ou sans plus value. Par exemple, utiliser l’outil de détourage d’un sujet de Photoshop fait gagner un temps précieux, je suis la première à l’utiliser régulièrement ! J’ai également utilisé, à titre personnel, l’IA générative pour arranger quelques fonds de photos. Cela reste du temps de gagné, surtout si on sait déjà comment faire sans.
Se priver d’IA, c’est d’abord se priver de possibilités pour se challenger, itérer rapidement sur des questions que l’on pourrait avoir. C’est également s’handicaper dans un marché ultra concurrentiel. C’est un outil puissant qu’il nous faut comprendre et apprivoiser, tout comme tous les logiciels que nous avons appris et que nous apprendrons encore demain dans notre carrière.
Il faudra accompagner nos clients à ce changement et justifier notre plus-value. Et il nous faudra accepter que des entreprises ou des clients préfèrent l’IA. Déjà, bien avant son arrivée, nous devions justifier notre production et notre « coût », car de toute façon, leur petit-cousin pouvait déjà leur faire un logo avec WordArt 🫠
Tout comme dans le dessin digital, beaucoup de personnes pensent que c’est plus simple car c’est « l’ordinateur qui fait » (Je l’ai lu trop de fois dans des témoignages de confrères et consoeurs dans l’illustration…), il faudra un temps pour que le public comprenne cet outil, ses limites et entraperçoivent l’intérêt « artisanal » des productions humaines.
L’évolution du marché du travail à l’ère de l’IA
Si l’expertise sera notre argument fort face à l’IA, il n’en reste pas moins que l’IA va finalement prendre une place importante dans les entreprises, remplaçant petit à petit les postes d’alternants, stagiaires ou encore junior. Désormais, un profil senior utilisera des IA pour faire toutes ses créations, comme c’est déjà le cas sur le marché du développement informatique.
Comment, en étant junior, pouvoir prouver notre créativité, notre expertise, quand déjà il était difficile de se constituer une expérience solide en entreprise ? Quelles sont les solutions pour ne pas laisser notre jeunesse sans emploi, alors qu’iels doivent devenir les experts de demain ? Ne risque-t-on pas dans quelques années se trouver à court de talent car nous avons réduit les postes à un moment ?
Je n’ai malheureusement pas la réponse, les métiers d’aujourd’hui ne seront plus les métiers de demain, et je n’ai pas de boule de cristal pour voir de quoi l’avenir sera fait. Peut-être qu’il faudra devenir des experts des prompts, de la compréhension des IA et de leurs fonctionnement et se démarquer ainsi ?
L’IA et la propriété intellectuelle
Comme je l’ai présenté rapidement en introduction, Disney a signé un accord historique avec OpenAI concernant l’utilisation des figures et personnages de ses films, avec un contrat d’exclusivité sur Sora 2. Outre les inquiétudes internes sur le risque de perte d’emploi, un aspect important est qu’avec cet accord, Disney créé un précédent sur l’utilisation de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur de ses œuvres.
Car jusqu’alors, on pouvait utiliser l’IA sans vraiment se poser de « questions » pour créer des images Disney ou Ghibli – je vous rassure, faisant partie de la communauté des illustrateurs et illustratrices, je me suis déjà opposée à l’utilisation de mes illustrations pour alimenter les moteurs d’IA. Mais avec la mise en place d’un tel accord, Disney en profite en parallèle pour envoyer des mises en demeure à Google ou encore Meta pour « violation massive » du droit d’auteur. On peut alors s’attendre à des restrictions plus poussées sur des créations et styles existants de la part des entreprises d’IA.
De plus, à qui peut-on vraiment attribuer le droit d’auteur d’une image créée par l’IA ? Est-ce le créateur du prompt ? Le créateur de l’IA ? Le créateur des supports utilisés pour alimenter les algorithmes ? Que va devenir une entreprise qui utilise un logo créé par l’IA, est-ce que ce logo lui appartient vraiment ? Comment le droit va évoluer en la matière ?
En tant que créateur humain, nous avons un droit d’auteur et une propriété intellectuelle reconnue que nous pouvons monétiser pour rassurer nos clients. La paternité (ou maternité) de nos productions sont aussi notre force et une réelle plus value.
Conclusion
Malgré mes craintes, pour mon métier et surtout pour les juniors, l’actualité semble se montrer plus optimiste. La sensibilité humaine semble irremplaçable et j’ai bon espoir qu’un équilibre finisse par être trouvé entre notre créativité et la création automatisée. Peut-être que 2026 nous réservera de belles surprises !
Je vous souhaite de joyeuses fêtes !
P.S.: Cet article n’a pas été rédigé avec une IA !! 😂
Sources
- Source : On a testé Banana Pro : la nouvelle IA de Google qui change tout – Les Numériques ↩︎
- Source : Accord Disney-OpenAI : « Le cauchemar d’Hollywood prend forme même si le studio promet de “respecter et protéger” les artistes » ↩︎
- Source : McDo crée la polémique avec une pub de Noël 100% IA… supprimée dans la foulée – Creapills ↩︎
- Source : Une étude révèle que 50% des contenus en ligne seraient générés par IA ↩︎
- Source : Intermarché dévoile son film de Noël avec un loup mal aimé qui va changer ses habitudes – Creapills ↩︎